Reproduire la réalité, c'est bien, dit Verdi, "mais inventer la réalité, c'est mieux, bien mieux". Et quelle réalité on invente là : Enfants échangés, mères vengées, amants sacrifiés... Un récit presque mythique, plein de rebondissements incroyables, qui plongent sans cesse les personnages dans des états d'exception. Ce qui importait à Verdi, c'était la crédibilité des émotions, pas celle de l'action. Le chant comme utopie, comme ouverture d'un espace qui n'existe pas dans la réalité reproduite. Dans sa mise en scène de l'opéra Troubadour de Verdi, Paul-Georg Dittrich part à la recherche de ce moment.

"Quand on reproduit la réalité, il peut en sortir quelque chose d'assez bon", écrit Giuseppe Verdi à sa bonne amie, la salonnière Clara Maffei, plus de 20 ans après la création du Trovatore : "Mais inventer la réalité, c'est mieux, bien mieux". On ne fait certainement pas tort au compositeur en insinuant que cette idée est également l'idée artistique centrale d' Il trovatore, créé entre Rigoletto et La traviata . Comme Rigoletto, Il Trovatore est une pièce nocturne : tout est éclairé par des lueurs de feu vacillantes. On ne voit pas bien, on ne distingue que vaguement. La confusion est omniprésente. "Quand on reproduit la réalité, on obtient quelque chose de bon, mais une photographie, pas un tableau", poursuit Verdi. Mais le compositeur veut des tableaux, pas des photographies. Il divise donc son opéra en tableaux. Ce qui l'intéresse, c'est l'exacerbation, l'exagération, l'inconcevable, l'horreur - et la représentation crédible des émotions humaines.

Une dramaturgie comme un accident de la route : depuis les coins les plus éloignés et dans les constellations les plus impossibles, Verdi fait se précipiter les personnages les uns sur les autres, pour ensuite enregistrer avec une précision sismographique leurs émotions - avec une musique dont la beauté ne marque rien de moins que l'état d'urgence absolu, et dont la rythmique ne laisse aucun doute sur le fait qu'il n'y a ici aucune échappatoire.
première le 9 juin 2024
autres représentations : 12, 16 et 23 juin, 1er, 4, 9 et 16 juillet 2024

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